Octobre à décembre 2020
Octobre
Un nouvel accrochage se prépare. Je présente d’abord mes œuvres aux personnes concernées. On s’en amuse bien et nous revenons sur le plaisir de notre rencontre.
Lorsque je présente ces deux tableaux à ce résident de 91 ans, nous reprenons notre conversation pendant plus d’une heure. Prendre le temps de se parler et de communiquer sont des valeurs importantes de ce projet. Ce Monsieur m'invite à revenir le voir.
Puis je retourne voir une Dame de plus de 85 ans. Au cours de notre petite jasette dans sa chambre, elle me propose d’aller voir les nouveaux tableaux accrochés aux murs. Nous allons donc visiter ensemble les nouvelles œuvres. À sa demande, je lui lis les cartels afin qu'elle sache à partir de quelles rencontres les tableaux sont inspirés. Puis elle me donne ses commentaires et souligne que certaines de ces personnes étaient de très bonnes amies. On s’arrête à nouveau devant la sienne, son œuvre, celle qu’elle m’a inspirée, et de me dire que ce sera bientôt son anniversaire.
Ce projet fait son chemin. Pendant cette balade, nous avons rencontré d’autres résidents, résidentes, des membres du personnel et des visiteurs avec qui nous avons parlé du projet. Un membre d’une famille a tenu à me préciser que lorsqu’elle marche dans le corridor avec sa mère, elles prennent toutes les deux le temps de regarder les œuvres et d'en parler. J’en suis ravie, car c’est l’un des buts du projet.
La rencontre est très importante dans ce projet, prendre le temps de savourer le temps. Celle-ci me procure une grande paix, autant la rencontre réelle avec la personne âgée que celle virtuelle au moment de la réalisation de l’œuvre.
Je poursuis la création des oeuvres
Novembre
De retour à l’atelier
Vieillir. Tout en réalisant ces œuvres que j’appelle mes dentelles, je réfléchis à la vieillesse. Une dimension de la vieillesse m’intéresse particulièrement, celle qu’on appelle en quelque sorte la résilience. La personne âgée est passée à travers toutes les épreuves de sa vie, autant les heureuses que les moins heureuses. Elle est pour moi un modèle de persévérance, d’adaptation, d’espoir et d’espérance. Je veux mettre en perspective et en valeur un regard sur la personne dans sa totalité. Je pense que nous avons un travail à faire de ce côté. Les vieux et les vieilles de ma culture débordent de sagesse et de vie.
Une œuvre toute pleine de vie se prépare.
Je vois vos yeux pétillants et ce grand besoin d’accueillir l’autre dans votre joie. Ma très chère Dame, je sais que vous aimez les fêtes et les rassemblements.
Abstractions. Pour vous mon très cher Monsieur, une abstraction, quelques abstractions qui soulignent à quel point il est important de viser l’essentiel.
Je me considère chanceuse d’avoir d’aussi beaux tête-à-tête que je qualifierais d’humains et de « véritables rencontres ». J’espère que ce projet fait autant de bien aux personnes concernées qu’il m’en fait, et ce, bien que nous parlons des vraies préoccupations de chacun et chacune. Ce qui me semble important, c’est la qualité de notre rencontre, que chacun s’y sente bien.
Décembre
Un mot sur l’acte de peindre. C’est souvent très intrigant pour moi de peindre, de rester fidèle à ce qui vient et de découvrir ce qui se présente sur la surface blanche. Il m’est important de savoir écouter l’œuvre en construction, de la laisser me guider, de me remémorer l’atmosphère de nos entretiens, son souvenir et ses couleurs.
Des paysages se pointent. À qui appartiennent ces paysages?
Je sais qu’ils sont pour vous mon très cher Monsieur.
Chaque récit de vie, chaque témoignage est unique et empreint de paix et de maturité
À nouveau, le confinement nous rattrape. J’avais l’intention d’aller accrocher mes œuvres pendant la période de Noël. Je trouvais que c’était une belle occasion de présenter mes derniers tableaux aux résidents et aux résidentes de la Résidence, mais voilà que nous sommes déclarés « zone orange » à cause de la pandémie, puis bientôt « zone rouge ».
Comme j’ai hâte de rencontrer mon monde à nouveau, de présenter mes œuvres et de faire un nouvel accrochage. J’ai 6 pièces de prêtes presque 7. J’attends, nous attendons tous que les portes de la Résidence s’ouvrent.
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